-
21/06/2013 à 11:05
Hello les amis,
Voici le récit de mes aventures du weekend passé, quelques images suivront dans la rubrique "Photos"
Les photos sont on-line.
Ascension du Mont Blanc – 15 et 16 juin 2013
Plusieurs années ont maintenant passés depuis mon accident survenu en 2003 et depuis quelques temps je rêvais en secret de pouvoir monter un jour sur le plus haut sommet que l’on distingue depuis nos contrées, c’est maintenant chose faite, ce vieux rêve s’est réalisé dimanche 16 juin dans des conditions assez difficile puisque la météo a été très capricieuse, normal, me direz-vous, c’est la montagne.
Alain Rossier, Daniel Rossier et Christian Follack avaient prévus pour mes 40 ans de m’offrir cette ascension, j’ai donc reçu le précieux sésame qui comprenait, un transport jusqu’à Chamonix, une remontée en téléphérique jusqu’au plan de l’aiguille, une nuitée en cabane demi-pension tout compris et un sommet. Nous avions retenus deux dates, entre le courant du mois de mai est celui du mois de juin en fonction de ce que déciderait mère nature, c’est finalement le weekend du mois de juin qui sera le plus propice à l’ascension.
Samedi 16 juin embarquement toute pour Chamonix Beach, incroyable de sortir l’équipement d’alpinisme, les skis, les habits chauds alors que l’été pointe, même les voisins se demandent ce que je fais avec mes skis… il a surement pété un plomb. Au premier abord tout semble se dérouler à merveille d’un point de vue météo, samedi et dimanche sont annoncés avec du soleil, de la chaleur et un peu de vent du sud-ouest soufflant de manière modéré sur les reliefs. On est confiant.
Parcage, tenues d’hiver, sac à dos, aïe, première erreur! Je constate que j’ai pris mes mauvaises peaux, complétement usées et fichues, tant pis je ne peux rien y faire, dose de stress supplémentaire. Nous sommes parés, en tenues pour embarquer dans la benne qui monte à l’aiguille du midi, mi-parcours, altitude 2300 mètres, tout le monde descend et c’est parti.
Itinéraire prévu le samedi, rejoindre le refuge des grands muletssitué environ 900 mètres plus hauts à environ 3h30 en peau de phoque. Le parcours semble vallonné sous le massif de l’aiguille du midi avec plusieurs coulées de neige sous les barres rocheuses, nous avançons prudemment il fait déjà très chaud et la neige semble très instable. Première transition, enlever les peaux et redescendre tout ce que l’on vient de monter, frustrant. Nous sommes maintenant au pied du glacier des Bossons et il faut pour traverser s’encorder chacun de manière à ce que l’on puisse « retenir » l’autre si il devait tomber dans une crevasse, le glacier est bien bouché et les crevasses peu apparentes, il faut être attentif et suivre la trace. Rien n’est ordonné dans cette débâcle de séracs, de crevasses et de glace à gogo, on se croirait au milieu d’un château de carte où toutes les cartes sont dans un équilibre précaire et sur le point de tomber, c’est magique et effrayant en même temps.
Premier gros obstacle de la journée franchi, il reste environ 400-500 mètres de dénivelé pour atteindre le refuge que nous commençons à apercevoir sur un éperon rocheux. Skis et peaux aux pieds nous entamons la montée assez raide et tracées d’une multitude de zigzag pour éviter de grimper directement droit dans la pente. Il fait bien chaud malgré la proximité des 3000 mètres déjà presque atteint et je sue tout ce que je peux avec tous ces habits sur moi. Nous arrivons au pied du refuge des grands Mulets posé sur son éperon rocheux et il faut encore grimper sur la paroi après avoir posé nos skis au pied du rocher, c’est la cerise sur le gâteau. Il ne faut pas avoir le vertige, ni perdre l’équilibre, seule une chaîne tendue sur la roche permet de s’accrocher. Derniers mètres et nous sommes arrivés dans notre 5 étoiles (Nabila était attendue au refuge, mais elle n’est jamais venue, normal, impossible de monter en talons, c’était beau de rêver)
Refuge des Grands Mulets, un mot un peu excessif car le refuge est petit en taille mais accueille plus de 60 personnes avec toutes le même problème, monter sur le même sommet et partager l’odeur de ses pieds dans les chaussures de ski, ça pique les yeux et les ‘chaussons’ mis à disposition par l’hôtel pour ne pas abîmer les sols, sont d’une odeur à faire pâlir Nabila. Chacun range ses affaires comme il le peut, fait sécher ses chaussettes où il peut, chaque millimètre du refuge sert d’étendage, c’est très drôle mais moins sympa pour l’odorat et les yeux. Un réfectoire, des dortoirs avec couvertures piquantes, un coussin auréolé de la précédente personne qui a dormi là, ça va être mythique et comme j’aime.
La surprise suivante est de découvrir que les toilettes sont placée au bout de l’éperon rocheux, dans le vide et que pour tout siège, un trou d’environ 20 centimètres de diamètre… c’est sympa et divertissant à la fois…en pleine nuit avec une envie soudaine de grosse commission, tu réfléchis à deux fois avant de sortir du lit en caleçon par température négative et si tu es silencieux tu peux même entendre tomber le « rocher » si tu réussis quand même à y aller et viser avec la lampe frontale. Bref, séjour et option à recommander à vos dames pour marquer des points.
Une autre surprise, de taille celle-là, et que j’ai pu savourer un Schweppes agrume à 3000 mètres d’altitude après 3h30 d’effort, pour les initiés c’est que du bonheur. En discutant un peu avec les gens présents, la météo n’a pas semblée être favorable ce samedi puisque tous les candidats au sommet ont dû rebrousser chemin à cause du vent et de la météo défavorable, ça semble mal engagé et le moral ne semble pas au beau fixe, nous nous voyons déjà rentrer bredouille à la maison. Le gardien semble également très pessimiste sur les chances de départs pour la nuit suivante, beaucoup de vent du sud-ouest et rafales sur les crêtes. De plus le temps se couvre et il commence à pleuvoir, la météo vient de changer drastiquement en quelques heures, ça semble compromis mais en montagne le temps peut changer en quelques minutes, donc on garde l’espoir du lendemain.
Programme de la soirée, 19h00 repas en deuxième service, 21h00-22h00 extinction des feux, éveil à 01h00, tout cela semble charmant et romantique, le repas est excellent, bien servi et copieux, la tradition des refuges vaut également en France voisine. Petite digestion et en avant pour une douce nuit, tranquille et reposante. J’exclu certains détails mais l’odeur de pieds mélangée avec un soupçon de ronflement, une double couverture piquante et une araignée sur la figure, fait que j’essaie de bouger le moins possible et de m’endormir comme je peux.
Je crois avoir dormi quelques heures et à l’éveil, il est 01h00 environ, je m’extirpe comme une fusée de cette toile émeri pour enfiler mon pull encore mouillé, il y a de la buée contre la vitre et il fait super trop chaud dans ce dortoir, mon Christian n’a pas pu dormir, direction le déjeuner. Tout le monde est bien coiffé, a une tête de vainqueur et semble avoir passé une nuit paisible parmi le bruit et les odeurs, la vraie vie de cabane. Heureusement pour tout ce petit monde la nuit est complétement claire et étoilées. Petit déjeuner englouti on prépare notre tactique de montée et moi je me prépare à aller aux toilettes, grand moment de solitude que je ne détaillerais pas dans ces pages, je m’en souviendrais pendant longtemps. La seule chose à retenir et que lorsque l’on éteint sa lampe frontale en sortant des WC à 01h30 du matin en montagne, le ciel ne ressemble à rien de ce que l’on peut voir en ville, des myriades d’étoiles… inoubliable.
Habillé, prêts, nous enfilons nos chaussures encore complétements mouillées, deuxième moment de solitude pour moi. Il est à peu près 02h30 et nous redescendons l’éperon à la frontale et nous chaussons nos peaux et nos skis, ça sent l’écurie. Grosse deuxième journée en perspective, dimanche 17 juin, montée par l’arrête Nord du Dôme du gouter par les petits et grands plateaux jusqu’au col du Dôme à 4200 mètres, ensuite rejoindre le refuge Vallot à 4367 mètres et ensuite l’arrête des bosses et sommitale pour finir, 1800 mètres de dénivelé.
Lampes frontales allumées nous suivons la trace qui ressemble à un serpent de lumière dans la nuit, nous ne sommes pas seule, et après 300 mètres d’ascension, il faut se rendre à l’évidence la pente devient trop raide et la neige trop dure et glacée, il faut mettre les skis sur le sac et continuer avec les crampons aux pieds. L’exercice se corse et devient plus technique, chaque pas doit être réfléchi et il ne faut pas s’enfoncer dans de la neige molle, nous suivons prudemment la trace des autres alpinistes et atteignons assez vite l’arrête du Dôme, joli pente de plusieurs centaines de mètres entre 40 et 45 degré, le vent commence à souffler méchamment et il faut se concentrer et ne pas faire de pause trop longue sous peine d’attraper froid. Je monte avec Christian qui à la pêche et tout va bien, je me sens des ailes. Alain et Daniel sont un peu en arrière et Daniel charogne avec son seul crampon qu’il lui reste au pied, le second est un peu plus bas et il se plaint qu’à chaque pas qu’il glisse, heureusement pour lui un autre grimpeur le lui retrouvera et le lui rendra… tout ça dans la nuit.
Nous marquons une pause sur la fin de l’arrête avant de s’encorder à nouveaux et remettre les skis aux pieds pour traverser le petit et grand plateau, nous avions appris par le gardien du refuge que cette section était dangereuse et qu’il y avait des crevasses. Un alpiniste était tombé dans une crevasse le samedi…donc encordage obligatoire pour tout le monde.
J’aperçois le refuge Vallot et je sais déjà que nous avons dépassés les 4000 mètres, le mal de l’altitude n’a pas encore fait d’effet sur moi. Nous marquons à nouveau une pause et le vent ne fait que se renforcer et souffler extrêmement fort, je commence à cailler sérieusement et me couvre de tout ce que je trouve dans mon sac, mes jambes commencent à trembler et je commence à douter sur la météo. Nous nous remettons en route et lorsque nous atteignons le refuge Vallot à 4367 mètres mes jambes tremblent toujours toutes seules et je commence à ressentir fortement l’altitude. J’aperçois l’arrête des bosses et le sommet du Mont Blanc, mais le vent est extrêmement violent (on nous dira plus tard entre 80 et 100km à l’heure) et le froid commence à percer de partout, il fait environ -10 degrés et mes doigts sont glacés, il souffle tellement fort qu’un halo de neige s’est formé dans le ciel en dessus du sommet c’est impressionnant et l’arrête sommitale et complétement soufflée également, ça va être sport.
Nous réfléchissons un moment et nous concertons sur les derniers 400 mètres à faire et j’ai de plus en plus froid. Nous décidons de laisser les skis au refuge et de monter à pieds avec les crampons. Je ne dis rien sur mes dents du fonds qui baignent et nous nous lançons sur l’arrête des bosses qui est courte mais très raide, je me fais vite distancer par mes copains et je dois réfléchir à chaque pas que je fais, j’ai la nausée, j’ai froid, il souffle comme jamais, je vacille avec le vent et je ne peux pas accélérer sous peine de poser la plaque mais je m’accroche et pense à Pierre-André…tout est dans la tête…Il reste toujours quelques centaines de mètres et l’arrête redescend et remonte à intervalle irrégulier, je récupère un peu dans les descentes mais me fait à nouveau souffrance dans chaque petite montée, c’est interminable et le sommet ne se rapproche toujours pas. Alain m’avait prévenu la dernière partie est interminable. En effet, j’en ai marre, j’ai plus de force, je vois tout tourner et chaque pas est insupportable, le vent transperce chaque millimètre de ma veste et je claque de froid malgré l’effort mais le sommet est là et je ne peux plus faire demi-tour. A ce moment je me demande bien ce que je fais là et je pense à tous mes amis sur leur vélo qui vont rouler cet après-midi sous 30 degrés, à ce moment il doit faire -15 degrés et cela me donne un petit coup d’adrénaline pour atteindre enfin le sommet avec Daniel qui est resté avec moi. Je suis à 4810 mètres d’altitude sur le Mont-Blanc il est à peu près 10h00, mes potos me félicitent, on se prend dans les bras et je pleure, mes larmes sont gelées, je l’ai fait et j’en ai bavé. C’est magnifique l’horizon est complétement dégagé, il n’y a pas de sommets plus hauts et on voit la courbure de la terre si on regarde loin à l’horizon. Quelques photos rapides, il fait très froid et je tremble de partout, il faut redescendre la même arrête mais à pieds…j’ai les jambes en cotons et ça va être cotons…qui plus est ma technique de descente en crampons n’est pas optimale et je me viande souvent. Alain m’encorde par précaution et me donne quelques rudiment rapide sur la technique pour descendre, mais j’ai les jambes sciées et chaque pas doit être réfléchis et me mange toute mon énergie. On croit toujours que la descente est plus facile…force est de constater que cette théorie est fausse.
Après quelques dégustations de neige fraîche et quelques roulés boulés sans gravités, nous atteignons le refuge Vallot et le vent semble comme par miracle s’estomper, nos skis nous attendent pour la descente et je n’ai plus du tout de force, mes jambes sont deux cures dents. Je me gave de sucre de raisins, de fruits secs, de coca-cola, de tout ce qui passe sous la main, me rappelle même plus tout ce que j’ai mangé et je retrouve un peu des couleurs. Nous chaussons nos skis et nous commençons la descente sur une neige dur est cartonnées, j’ai les jambes qui brûlent à chaque virage et mes compagnons grimacent aussi, heureusement ceci est de courte durée et la neige se transforme rapidement en neige légère comme de la poudre, c’est super agréable.
Nous descendons à ski sur le glacier et nous nous suivons l’un derrière l’autre en suivant les traces déjà existantes, nous marquons quelques arrêts, l’altitude commence à baisser et ma nausée commence à disparaître comme par enchantement, plus l’on descend et plus il fait chaud, il faut enlever les couches maintenant car la température augmente et la neige devient de la soupe complétement fondue. Nous passons entre les séracs du glacier, et c’est toujours le même spectacle chaotique ou tout est prêt à tomber, ou pas…difficile de savoir, mais les craquements de la glace nous font comprendre qu’il ne faut pas s’éterniser trop longtemps.
Il ne reste plus grand chemin jusqu’à la délivrance mais il faut encore et à nouveau s’encorder pour traverser le glacier des Bossons, la fatigue est là et skier encordé à quatre et un exercice pour les nerfs. Nous remettons les peaux, il fait extrêmement chaud et entamons la dernière montée a un rythme pépère pour récupérer un peu, nous apercevons le téléphérique, ça sent la fin. Reste qu’il faut passer encore la dernière moraine et pour ce faire il faut enlever nos peaux, descendre et ensuite porter nos skis dans un dédale de rochers et encore escalader quelques mètres ski à la main
Dernière descente et nous voyons déjà les premiers touristes s’amuser dans la neige, beaucoup d’entre eux n’ont jamais vu cela semble-t-il, nous finissons la dernière montée (enfin) à proximité des gens pieds nus dans la neige et attirons toute leur curiosité, 4 personnes harnachées de la sorte avec des têtes de vainqueurs et qui en ont marre, eux, de la neige…
La délivrance, enfin…nous attendons la benne et je suis extenué, ça doit se lire dans mes yeux car tout le monde me regarde…pour les statisticiens puristes, au final : 7000 Kcal brûlées – environ 3000 mètres de dénivelé positif et autant en négatif – 16h00 d’effort total – 8h pour arriver au sommet – deux ongles cassés – deux écorchures aux mains – 1 gourde gelée – 10 doigts gelés et plus de sensibilité (ça devrait revenir) – une paire de peaux défectueuse – une baguette de pain – 4 gels – du gala a tartiner – 1 "caca" de la peur à 01h30 – des séracs à gogo
En conclusion et si je retiens des images et des mots : un rêve réalisé, un objectif atteint – ça c’est fait, fière d’être monté tout là-haut, la nique à tous ceux qui m’avait dit ‘Impossible pour toi’ ‘Plus de sport pour vous Monsieur’, grandiose, difficile, longueur de l’effort, altitude, le grésil (peeling gratos), mes potes de cordées, coca-cola, toilettes dans le vide…bref des souvenirs pleins les yeux et plein la tête.
Joël
-
21/06/2013 à 13:21
2 mots : Bravo et respect !!!!

-
24/06/2013 à 12:09
Merci infiniment Joel de nous avoir partagé ainsi tes émotions et aventures. Quel délice de te lire. Et de poursuivre le chemin en photos.
A une prochaine, Cédric
-
24/06/2013 à 14:55
C'est si bien écrit que cela nous donnerai envie de le faire!
Et comme tu dis ça égaie ce lundi tout gris.
Merci pour ce récit en tout cas! Ludo
-
27/06/2013 à 14:05
Félicitations!
-
27/06/2013 à 17:08
Oh putain les photos: comme c'est beau !!! Et un tout beau récit avec. Bravo pour tout.
- Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.
